Ah. Voilà LE sujet épineux pour tous ceux et celles qui souhaitent réaliser des bijoux “couleur doré” sans pour autant les réaliser en or, budget oblige.
Etant moi-même créatrice de bijoux sur base laiton, cela fait plusieurs années maintenant que je fais dorer ou plaquer or mes créations. J’ai eu l’occasion de (crash)tester plusieurs prestataires et plusieurs traitements de surface. J’ai donc une bonne vision d’ensemble de ce dédale cette étape délicate qu’est la finition dorée des bijoux.
Cependant, mes connaissance en galvanoplastie s’arrêtent à la porte de chez mon doreur. Aussi, j’ai demandé de l’assistance à ceux qui maîtrisent ce sujet, avec qui j’ai eu le plaisir de discuter de longues heures de ce mystérieux phénomène (enfin, mystérieux pour moi) qu’est l’électrolyse.
Merci donc à Martin Labrousse, galvanoplaste passionné et passionnant, et à Danyel Monjol, fondateur d’Outilor pour leur temps et leurs précieux conseils, et pour ce partage de savoir, souvent trop rare…
Le sujet étant également très vaste, et ayant reçu des tas de questions à ce propos sur le groupe d’entraide Facebook comme en messages privés, j’ai décidé de le traiter en 2 parties.
Aujourd’hui donc, nous nous attarderons sur la théorie et la technique de dorure du bijou. La semaine prochaine nous verrons plus en détail le “comment faire” lorsqu’on sous-traite cette tâche : les usages, les bonnes pratiques, et les critères à prendre en compte.
Pourquoi ne pas garder le laiton ?
Le laiton (ou le bronze), lorsqu’il est bien poli, a une jolie couleur champagne, proche de celle de l’or. Il serait bien plaisant (et bien moins coûteux !) de se contenter de cet alliage,non ?
Oui mais voilà le problème : le laiton, il fait sa vie, ce bougre. Cette couleur or, il ne la gardera pas longtemps.
Contenant du cuivre, c’est un alliage qui va s’oxyder, se ternir, produire du “vert-de-gris” (cette jolie trace verte que l’on retrouve sous sa bague ou à son cou). Pas toujours au goût de la clientèle…
Selon l’acidité de la peau de celui qui la porte, il va invariablement changer de couleur et perdre de son éclat, à plus ou moins long terme. Et vous pouvez essayer tous les “vernis” ou “laques” que vous pourrez : rien n’y fait, au mieux vous prolongerez sa “durée de vie” de quelques jours, au pire il s’écaillera en formant des tâches brunes.
Une seule solution pour protéger votre bijou et garder cette couleur dorée : la galvanoplastie.
Ceci étant dit, il est tout à fait possible de créer des bijoux en laiton, pour son aspect un peu “vintage”, plus brut, un peu moins clinquant que l’or. Assurez-vous cependant que vos clientes soient totalement conscientes de ce changement de couleur selon l’acidité de leur peau. Sinon, vous allez avoir des retours…
Qu’est ce que la galvanoplastie / traitement par électrolyse ?
Parlons vocabulaire et technique. La galvanoplastie est une technique utilisant le principe de l’électrolyse pour appliquer au moyen d’un courant électrique continu, un dépôt métallique (de l’or par exemple), à la surface d’un objet, lui aussi en métal.
Martin nous précise tout de même qu’il s’agit là d’un abus de langage, et qu’il faudrait mieux parler d’électrodéposition (l’électrolyse étant plutôt un phénomène de destruction que de déposition). De même, il vaudrait mieux parler de galvanostégie (qui sert à protéger de l’oxydation) que de galvanoplastie (qui est une technique de reproduction d’objet via un moule).
***minute wikipédia off***
Concrètement, comment ça marche ?
Vous avez votre bijou en métal commun (laiton, bronze, cuivre…) ou en argent, fini, joliment poli, n’attendant plus qu’à se faire dorer.
Certains doreurs apprécient que les bijoux soient déjà montés sur fil, renseignez-vous auprès du professionnel que vous aurez choisi pour savoir quelles sont ses spécificités techniques, s’il préfère le faire lui-même ou s’il facture le temps d’attache par exemple.
En premier lieu, le doreur effectuera un nettoyage de la pièce, par ultrasons. Celle-ci sera alors totalement propre et prête à recevoir son traitement.
Ensuite, il appliquera très certainement un premier traitement au cuivre ou à l’argent. Cela permet de mieux faire adhérer par la suite la couche d’or. Cette sous-couche n’est pas obligatoire mais beaucoup de galvanoplastes la font d’office. En effet, l’argent ou le cuivre ont des propriétés d’adhérence plus fortes. Ils garantissent ainsi une meilleure brillance et permettent une meilleure longévité au bijou.
Cela permet également, lorsque la sous-couche est en argent, de ralentir l’oxydation sur la peau lorsque la couche d’or s’émoussera. Et il est moins désagréable pour une cliente de se retrouver avec une bague argentée que noire…
La sous-couche dépend des habitudes du doreur ainsi que de la composition du bijou à la base. Vous pouvez éventuellement demander une couche d’argenture très épaisse (10 à 20 microns) qui créera comme une couche très étanche, notamment si vous craignez les allergies.
Enfin, votre bijou connaîtra son heure de gloire : il sera trempé dans un bain d’or, par procédé électrolytique donc, durant un temps plus ou moins long selon la surface à dorer et l’épaisseur désirée.
Si vous l’avez demandé, et si votre doreur en a la possibilité technique, une finition comme le sablage (ou microbillage) pourra également être appliquée à votre bijou.
Enfin, si vous faites du plaqué or (qui je le rappelle a une obligation légale d’un minimum d’épaisseur de 3 microns), et que vous l’avez demandé à votre prestataire, il effectuera un certificat de conformité attestant de l’épaisseur d’or sur votre bijou. Cela se fait grâce à une machine prévue à cet effet (et non pas au doigt mouillé 😉 )
Et voilà l’travail ! Votre bijou est maintenant d’une belle couleur or, pâle, intense ou rose; brillant, satiné ou mat !
Peut-on dorer ses bijoux soi-même ?
Et bien oui, cela est également possible, mais comme toujours à certaines conditions.
Il faut déjà avoir le sens de la bricole (pas comme moi), avoir la machine adéquate (par pitié, n’essayez pas de bricoler ça dans votre garage) et être très précis dans sa technique, sans quoi vous courrez à l’échec.
Cela dépendra également de votre niveau de production. Avec de petits bacs à changer fréquemment, cela peut ne pas être rentable au final.
Et c’est là que Danyel intervient, bien plus calé que moi sur le sujet 😀
Si vous souhaitez maîtriser votre process de création de bijoux de A à Z, vous pouvez investir dans ce genre de machines. A cela s’ajoutent des bains préparés avec la finition souhaitée (de l’or, si vous souhaitez un plaqué or, donc). Pour l’argenture et le rhodiage, c’est exactement pareil, et bien plus facile apparemment.
Les étapes sont alors les mêmes que chez votre doreur : nettoyage, sous-couche si besoin, puis bain or.
Mais attention : il faut respecter scrupuleusement les indications, le temps de pose, et changer ses bains régulièrement. Car, comme Danyel me l’a si bien expliqué, c’est comme pour une piscine. Si vous avez décidé de mettre une 3 boudins dans votre jardin, vous n’allez pas traiter l’eau mais en changer régulièrement. En revanche, si vous avez une piscine 4 x 3m, vous allez sûrement investir dans un testeur de pH et corriger avec des adjuvants plutôt que de changer l’eau à chaque fois 😉
Autre chose à bien savoir : ces techniques peuvent s’avérer dangereuses pour qui ne les maîtrise pas. Et les produits utilisés peuvent être très nocifs. Sachez donc où vous mettez les pieds !
Au final, à vous de voir si l’investissement en vaut la chandelle. Pour de grosses quantités, attendez-vous à changer souvent vos bains. Pour une pièce de temps à autre, le coût de la machine peut être lourd. Il faut trouver le juste milieu.
D’ailleurs, si certains d’entre vous utilisent ce genre de machines, n’hésitez pas à nous en faire un retour en commentaires !
Existe t’il d’autre procédés pour dorer un bijou ?
On peut trouver d’autre pratiques pour donner une couleur dorée à un bijou en alliage commun. Cependant elles restent très “anecdotiques” ou expérimentales, raison pour laquelle on leur préfère amplement la galvanoplastie. Mais il peut être intéressant de s’y tenter, ne serait-ce que pour le geste !
Dorure à la feuille d’or
La feuille d’or paraît attirante sur le papier, malheureusement elle est bien mal adaptée à la bijouterie. D’une part parce qu’il est difficile de maîtriser la pose et la quantité déposée. D’autre part, parce que sa tenue dans le temps est très aléatoire, les feuilles s’effritant facilement avec les frottements.
Le Keum-Boo
Technique Coréenne, le Keum-Boo consiste à “intégrer” de fines feuilles d’or 24ct dans de l’argent fin. Chauffées à une certaine température, les molécules d’argent et d’or se fusionnent intimement. Technique très délicate mais qui a l’avantage de pouvoir travailler le métal après fusion. (laminer, marteler, cintrer etc…) Elle ne permet toutefois pas de couvrir entièrement un bijou il me semble.
L’amalgame au Mercure (ou or moulu)
Avant la découverte de l’électrolyse, et notamment dans l’antiquité, le procédé de dorure à l’amalgame de mercure était couramment utilisé. Cette technique implique de chauffer fortement les pièces au chalumeau, et provoque donc des vapeur nocives de mercure. Il est déconseillé pour des raisons sanitaires de l’utiliser sans système de condensation. Les normes étant strictes en la matières (voire interdit), ce procédé artisanal n’est quasiment plus proposé. Martin m’a cependant indiqué qu’il “subsistait” un artisan étant équipé dans la région parisienne. Cette technique était notamment employée pour la restauration d’objet d’orfèvrerie. Aujourd’hui, elle est en voie de disparition.
Le Gold-Filled
Enfin, une autre alternative à ces traitement post-fabrication, est d’utiliser directement du gold-filled (en français “or rempli”). Il s’agit d’un alliage de laiton et d’or 14k qui sont “pressés” ensemble mécaniquement. Pratique puisqu’on peut le travailler directement (le souder par exemple). Moins cher que de l’or 18K mais plus précieux qu’un plaqué or, il est également bien plus durable dans le temps. Son “seul” bémol, et non des moindres, c’est que cette technique particulière ne permet à ce jour que de produire du fil ou du tube, et maintenant quelques plaques. Mais pas de fonte, de moulages ou d’estampes.
Maintenant que vous savez tout sur les techniques de dorure ou de plaquage, reste à savoir comment le faire concrètement ? La semaine prochaine, je vous propose de prolonger cette plongée dans l’univers de la galvanoplastie. Je détaillerai les différents types de dorure (et de doreur), pour quels usages, et en pratique comment préparer ses créations pour éviter les mauvaises surprises.
En attendant, n’hésitez pas à partager cet article autour de vous, et à l’épingler sur Pinterest !
KARIMA BOO says
Bonjour Mel,
Merci beaucoup pour cet article j’ai hâte de lire celui de la semaine prochaine concernant la préparation des bijoux avant la dorure:)
Kari (membre du groupe Fb;) )
Jenyfair says
Bonjour Mélanie,
Merci beaucoup pour cet article très intéressant tout comme l’intégralité de ton blog d’ailleurs! Il m’a permis de ne pas jeter l’éponge face à mes envies !! C’est difficile de trouver du contenu de qualité sur le sujet sur internet !!
J’en profite pour te poser une question ! Je me lance dans la création et je souhaitais justement réaliser des petites bagues à partir de Gold Filled mais dans mes recherches, j’ai trouvée beaucoup de commentaires indiquant qu’on ne pouvait pas souder ce type de fil. Comment procéderais-tu pour le souder ? Avec des copeaux peut-être ?
Dans tous les cas merci encore de partager ton savoir !
Bonne continuation !
Jenyfair
Gaëlle says
Le GF peut se souder à l’argent, mais il faut prendre le coup car le point de fusion est difficile à trouver sans endommager la couche d’or. Sinon, tu peux souder à l’or. Plus coûteux mais pas de traces argentées disgracieuse!
Berger says
Oh mais MERCI pour cet article!! Tu trouves toujours LES sujets qui m’interrogent! Dommage que cet article ne donne pas de contacts: j’ai récemment déménagé de Paris vers Lille, et je n’arrive pas à trouver un doreur dans la région… (ah qu’il est difficile de perdre son carnet d’adresses laborieusement élaboré au fil du temps…). Je vais peut-être me lancer pour le faire toute seule…? En tout cas je comprends mieux le process.
Hâte de lire tes prochains articles!
Gaëlle says
En ce qui concerne ma propre expérience, je suis également en Province et rares sont les doreurs hors de Paris. Il en existe quelques uns mais à Lille je n’en connais pas.
Du coup, il n’est pas rare de faire réaliser ce traitement à distance. C’est en tout cas ce que je fais car Toulouse est plutôt un désert en terme de galvanoplastie
Bonne recherche!
Mickaël says
Je cherche désespérément une solution pour mon bracelet en laiton et tombe sur cet article, parfait!
Merci pour toutes ces explications, très claires, mais en effet pas de contact. Etant totalement novice dans la pratique je me demande si tu peux nous transmettre le contact qui te le fais a distance? Je suis moi même de Montpellier.
Merci!
Emma says
Avec un peu de retard, merci beaucoup pour cet article très éclairant ! J’adore pénétrer les mystères d’une technique nouvelle. Il me tarde de lire la seconde partie !
berger says
Par contre moi je trouve des plaques en GF sur Riogrande. Pas donné, et beaucoup moins facile à trouver que fil ou ou apprêts, c’est le seul endroit où j’en aie trouvé…
Gaëlle says
Et elles sont faciles à travailler? La découpe/soudure n’endommage pas le métal? Merci pour l’info en tout cas.
mumbeautiful says
Bonjour, super article ! je me lance également dans la réalisation de bijoux en gold filled à partir de fil, savez-vous s’il ya des règlementation particulière pour ce genre de bijoux ? merci d’avance je suis plutôt perdu …
Mel says
Je vous renvoie vers ma réponse au commentaire d’Audrey 🙂
Audrey says
Bonjour Mel ! Merci pour cet article. Concernant le gold filled, est-ce qu’il existe une réglementation particulière? Comment contrôler que les composants sont bien en gold filled?
Merci par avance,
Audrey
Mel says
Bonjour Audrey, le Gold Filled est un peu “à part”. Difficile de vérifier les composants, il faut demander une attestation à votre fournisseur. Quant à la législation en France, c’est à peu près pareil que le plaqué or. C’est à dire… un peu flou ! Normalement, vos bijoux devraient être poinçonnés, et soumis aux mêmes règles que les métaux précieux. Mais sans possibilités d’évaluer la réelle quantité de métaux précieux, c’est un peu le serpent qui se mord la queue. Du coup, il y a une “souplesse” non-dite de la part des douanes. Je pense écrire un article sur le sujet bientôt.
Alison Metté says
Bonjour Mel et merci pour votre article, je vis a Montréal et c’est très compliqué de trouver un doreur sur laiton, et je n’en ai toujours pas trouvé d’ailleurs… vendre un bijoux en laiton est ce si indécent? sachant qu’il est très simple de lui redonner un coup de neuf? je n’ai presque pas le choix en attendant mon retour de France de procéder autrement, que feriez- vous ? merci 🙂
Mel says
Bonjour Alison, bien entendu que vous pouvez garder vos bijoux en laiton brut. Il faut juste adapter vos soins et votre discours envers la clientèle afin qu’elle soit bien informée du fait de l’oxydation aléatoire de ces bijoux. Il n’est pas du tout rare de voir des créatrices utiliser uniquement le laiton. Si vous exprimez la palette de couleurs que donne l’oxydation, cet aspect “brut” voire vintage des bijoux, cette possibilité de les retrouver bien brillants et dorer avec des gestes simples. Le fait que selon les peaux, le bijou réagira différemment (personnellement, je ne fais pas virer le laiton). Si vous aimez le rendu, que vous informez vos clientes, voire que vous adaptez votre offre (en offrant un dépliant avec conseils d’entretien, ou une lingette imprégnée pour le polissage par exemple), c’est une offre tout à fait valable. J’ai moi même commencé en ne proposant que du laiton. Et ça marchait très bien. J’ai changé pour des raisons de goûts personnels. Belle continuation !
HERAUD says
Pendant combien de temps des bijoux en laiton restent-ils “mettables”, c’est-à-dire pas, ou pas trop oxydés ? Car si j’ai bien lu vos articles (Merci ! Bravo !) faire dorer à l’or n’a pas l’air simple…
D’avance.un grand merci.
Bohemian Feathers Jewelry says
Bonjour Mélanie !
Je voulais savoir qu’en était il des pendentifs en laiton avec une pierre sertie ? est ce qu’il est possible de les faire dorer ou faut il le faire avant sertissage des pierres ?
Je connais déjà le principe de la galvanoplastie en cuivre et j’ai vu qu’on pouvait appliquer un genre de latex pour protéger la pierre du bain chimique. Est ce que c’est la même chose pour le laiton à faire dorer ?
Mel says
Bonjour, vous pouvez laisser la pierre sertie pour la dorure, celle-ci ne sera pas “dorée” ni endommagée. Attention cependant aux pierres “poreuses” comme la turquoise, la nacre ou le lapiz lazuli, qui peuvent souffrir durant la galvano. Demandez à votre doreur, cela reste le mieux 🙂